Un document confidentiel de l’Union européenne, récemment divulgué, accuse Israël de graves violations du droit international humanitaire à Gaza, évoquant des “attaques indiscriminées”, des actes de “torture”, l’usage de la “famine comme arme de guerre” et des pratiques relevant de “l’apartheid”.
Rédigé par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), ce rapport de huit pages, classé “confidentiel” et daté du 20 juin, a été transmis aux ambassades des États membres à Bruxelles avant d’être publié dans son intégralité par des journalistes d’investigation.
Attaques indiscriminées, tortures, apartheid
Le rapport, basé principalement sur les travaux du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH) et de la Cour internationale de Justice (CIJ), conclut qu’”il existe des indices” selon lesquels Israël viole ses obligations en matière de droits humains inscrites dans l’accord d’association UE-Israël.
Celui-ci, en vigueur depuis 2000, conditionne les avantages commerciaux – estimés à un milliard d’euros par an pour Israël – au respect des droits fondamentaux.
Le document mentionne notamment la famine à Gaza, touchant selon l’ONU “un demi-million de personnes”, soit une personne sur cinq. Le blocus imposé par Israël est décrit comme une “punition collective” et une possible utilisation de la famine comme arme de guerre.
Il mentionne également des attaques indiscriminées menées avec des bombes lourdes dans des zones civiles, causant la mort de bébés, d’enfants et de personnes handicapées ; le ciblage de journalistes palestiniens, visant à entraver la couverture médiatique du conflit, des traitements inhumains, humiliations et actes de torture lors des arrestations de Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que des pratiques assimilables à l’apartheid, notamment par une politique de ségrégation raciale dans les territoires occupés.
Un précédent rapport du SEAE datant de novembre évoquait déjà des “crimes de guerre” israéliens, mais n’avait entraîné aucune sanction.
Le mot “génocide” évoqué
Le rapport mentionne que les actions d’Israël constituent une violation d’une ordonnance provisoire de la CIJ, censée prévenir des actes relevant de la Convention sur le génocide — la seule occurrence de ce terme dans le document.
Bien que le rapport ne reflète pas officiellement la position politique des chefs de la diplomatie européenne Kaja Kallas ou Ursula von der Leyen, il marque une évolution significative dans le ton adopté par les institutions européennes.
Cependant, les conclusions sont formulées avec prudence, et le projet de déclaration du prochain sommet européen ne prévoit, à ce stade, que de “prendre note” du rapport, sans annoncer de sanctions concrètes.
Plusieurs organisations de défense des droits humains appellent l’UE à agir. Claudio Francavilla de Human Rights Watch, souligne que les diplomates européens présents dans la région ont eux-mêmes constaté la gravité de la situation.
“Les preuves sont accablantes. L’UE doit suspendre l’accord d’association avec Israël”, s’indigne-t-il.

Tom Gibson de Committee to Protect Journalists abonde dans le même sens affirmant que “ne pas agir serait une honte”.
Ce rapport met l’Union européenne face à ses contradictions. Si elle reconnaît désormais la gravité des violations, elle hésite encore à en tirer des conséquences politiques.
Mais il témoigne également du malaise qui traverse certains responsables européens, lesquels semblent avoir fait sciemment “fuité” ce rapport pour mettre en lumière l’hypocrisie de l’Union européenne face à l’impunité d’Israël.