Cette enquête a été publiée jeudi soir par trois médias dont le journal israélo-palestinien 972, et le journal britannique The Guardian.
Selon des calculs de l’armée israélienne, 5 victimes sur 6 tuées à Gaza en mai 2025 étaient des civils. Le ratio est extrêmement élevé et plus élevé que toutes les guerres récentes.
Israël estime avoir tué 8 900 combattants du Hamas ou du Jihad islamique, alors que dans le même temps le ministère de la Santé palestinien publiait le chiffre de 53 000 morts, ce qui inclut toutes les victimes. Dans un premier temps, Israël n’a pas contesté les résultats publiés par les trois médias mais il a ensuite indiqué au quotidien The Guardian que ces données étaient incorrectes.
Il est à souligner que l’armée israélienne utilise les bilans publiés par le ministère de la Santé palestinien et les considère comme fiables. C’est étonnant quand on sait que publiquement les hommes politiques israéliens contestent ces données et les balaient d’un geste de la main.

Des proportions anormalement élevées
D’autres données comprises dans les dossiers récupérés par ces trois médias révèlent que l’armée israélienne estime qu’environ 48 000 Palestiniens sont actifs dans les groupes de résistance du Hamas ou du Jihad Islamique. Il faut donc comprendre que Tel Aviv a lancé une guerre de plus de vingt mois contre plus de deux millions de personnes, détruit totalement toutes les infrastructures et plusieurs villes pour officiellement neutraliser 47 653 combattants.
Les calculs sont vite faits, 83% des victimes sont des civils, femmes et enfants inclus.
“Cette proportion de civils parmi les personnes tuées serait anormalement élevée, en particulier compte tenu du fait qu’elle dure depuis si longtemps”, a déclaré Thérèse Pettersson du programme de données sur les conflits de l’Université d’Uppsala (Suède), qui recense les victimes civiles dans le monde entier. Ce genre de statistiques est généralement constaté lors de l’attaque d’une ville mais ce n’est jamais le cas sur un conflit qui concerne toute une zone géographique.

La réalité dépasse les estimations
L’enquête nuance également les données trouvées. Le ratio civils-combattants pourrait être encore plus terrible. Tout d’abord, le ministère de la Santé palestinien ne prend en compte que les corps retrouvés, il ne peut qu’estimer les milliers de personnes disparues sous les décombres ou pulvérisées par des bombes.
Autre point évoqué par ces médias, l’armée israélienne qualifie de combattants des personnes qui, par exemple, étaient des membres de l’administration à Gaza, voire des journalistes ou des équipes de secours.
C’est aussi un moyen pour les soldats de justifier parfois la mort de civils à bon compte. Le commandement sud de l’armée israélienne est ainsi connu pour permettre à ses soldats de désigner de combattant toute personne tuée.
Les commandants admettent tuer surtout des civils
Itzhak Brik, un général à la retraite, est cité par ces trois médias. Il dénonce des chiffres israéliens totalement faux. “C’est du bluff”, selon ce haut gradé qui a dirigé un collège militaire et est resté en contact avec de nombreux officiers en activité qui admettent que la plupart des personnes tuées sont des civils.
Depuis mai 2025, la situation s’est encore aggravée. Plus d’un millier de civils ont été tués juste en allant chercher de la nourriture dans les sites de distribution de la très contestée Fondation humanitaire pour Gaza, créée par Israël pour remplacer les Nations unies et les ONG internationales dans la distribution de nourriture.
Gaza est la version la plus meurtrière de ces guerres qui se déroulent dans des milieux urbains, selon Mary Kaldor, professeur à la London School of economics à Londres, et directrice du programme de recherche sur les conflits.
À Gaza, les attaques se déroulent dans des villes avec une forte concentration de population. De plus, l’armée israélienne s’est fixée des règles d’intervention qui permettent à ses forces de tuer un grand nombre de civils lors de frappes, même contre des militants de rang inférieur.
“À Gaza, nous parlons d’une campagne d’assassinats ciblés, en fait, plutôt que de batailles, et ils sont menés sans aucune préoccupation pour les civils”, a déclaré Kaldor. L’universitaire conclut que “ dans ce type de guerre, il s’agit de dominer une population et contrôler son territoire. Peut-être que l’objectif d’Israël a toujours été de déplacer par la force cette population.”
L’enquête souligne alors qu’Israël a toujours clamé mener cette guerre pour “se défendre” après le 7 octobre 2023, mais, rappellent les journalistes, les politiques israéliens ont dès le début utilisé une “rhétorique génocidaire” en déclarant, par exemple, que tous les habitants de Gaza étaient du Hamas même les enfants, ou encore qu’il était légitime de tuer 50 civils pour un combattant.
Cette enquête arrive comme un sinistre rappel de ce que les Palestiniens vivent alors qu’Israël a lancé son offensive sur la ville de Gaza au nord de l’enclave palestinienne et veut déplacer de force un million de personnes.
Ceux qui refuseront de partir seront considérés comme des cibles, selon les règles d’engagement de l’armée israélienne.