Les diplomates déplorent la retenue de la France qui, selon eux, a conduit à minimiser des faits graves, notamment l’intensification des opérations militaires israéliennes à Gaza et la colonisation accélérée de la Cisjordanie, mettant ainsi en péril la possibilité même d’un État palestinien viable.
“Alors qu’Israël intensifie en toute impunité son entreprise de destruction d’un peuple, et accélère sa colonisation de la Cisjordanie pour entraver toute possibilité d’un Etat palestinien, nous ne pouvons rester spectateurs. La décision du président de la République de reconnaître l’Etat palestinien lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies [en septembre] est donc tout à fait opportune” saluent les ambassadeurs.
“Acte de foi”
Ils insistent cependant sur l’insuffisance de la “reconnaissance graduelle et conditionnée de l’Etat palestinien, alors qu’il y a urgence à agir” car une “reconnaissance immédiate et unilatérale” de cet État s’impose comme “un acte de foi politique, face à la négation de ce droit par Israël”.
Les ambassadeurs soulignent aussi une incohérence dans la politique étrangère française, dénonçant un “deux poids, deux mesures” qui oppose la défense ferme du droit international en Ukraine à une posture hésitante au Moyen-Orient.
“Il est temps que la France reprenne l’initiative sur cette question – dix ans après la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la Suède, un an après l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et la Norvège. Le respect du droit international, autrefois notre boussole diplomatique, menace de céder sous l’effet du scepticisme ou de l’hostilité de divers acteurs sur le plan international, comme de la priorité donnée aux intérêts et aux alliances”, mettent-ils en garde.
Cette attitude, estiment-ils, nuit à la crédibilité et à l’influence de la France dans la région, alors que d’autres pays européens prennent des positions plus engagées.
“Ce changement profond compromet notre image et notre influence dans le monde. Jugée hier indépendante et équitable, notre diplomatie est aujourd’hui moins audible. Quand dans l’Union européenne [UE], d’autres pays prennent des positions plus avancées que les nôtres sur le conflit israélo-palestinien, beaucoup dans la région du Moyen-Orient se sentent déçus, voire trahis”, ont écrit les anciens ambassadeurs.
“Nettoyage ethnique”
Si la France a condamné l’attaque du 7 octobre “à juste titre”, “elle ne pouvait toutefois justifier le nettoyage ethnique du peuple palestinien, et nous nous sommes émus bien tardivement du nombre croissant de civils palestiniens victimes à Gaza d’opérations destructrices, d’incessants déplacements forcés de la population, d’effets dévastateurs du blocus alimentaire et sanitaire, et, en Cisjordanie, de la violence impunie des colons”, s’indignent-ils.
Le collectif souligne également que l’amalgame trop fréquent entre critique de la politique israélienne et antisémitisme contribue à brouiller les esprits et à alimenter des discours extrémistes, affaiblissant la lutte contre le véritable antisémitisme.
“Utilisé hors de propos, le terme même perd de son impact. Aujourd’hui, un ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, sonne lui-même l’alarme dans une éloquente tribune. D’anciens responsables israéliens de la sécurité demandent au président américain, Donald Trump, de faire pression sur leur pays pour arrêter la guerre à Gaza”, insistent-ils.
Sur le plan sécuritaire, les anciens ambassadeurs alertent sur le fait que la politique israélienne finit par compromettre sa propre sécurité ainsi que celle de la région. Le refus d’Israël de reconnaître le droit à l’autodétermination palestinienne, ses incursions en Syrie et au Liban, ainsi que les projets d’annexion de territoires palestiniens sont autant de facteurs déstabilisants qui renforcent les tensions.

Ils appellent à une rupture avec la complaisance traditionnelle, y compris vis-à-vis des alliés occidentaux, et à un retour à une diplomatie guidée par le respect strict du droit international.
Pour restaurer la voix et le rôle de la France au Moyen-Orient, ils insistent sur la nécessité de suspendre les accords commerciaux et militaires avec Israël tant que ce dernier ne respecte pas les normes internationales, de garantir l’accès de la presse internationale à Gaza, de soutenir sans réserve les enquêtes de la Cour pénale internationale, et d’interdire le territoire français aux responsables israéliens impliqués dans des violations du droit international.
“Si appeler à la libération des otages israéliens aux mains du Hamas est pour nous un impératif moral et politique, exiger la fin du blocus israélien qui maintient prisonnière la population de Gaza depuis 2007 l’est tout autant. De même qu’il est indispensable de stopper la colonisation en Cisjordanie et de préserver le statu quo à Jérusalem. Le vote récent de la Knesset [le Parlement israélien] sur l’annexion de la Cisjordanie et la décision annoncée d’occuper Gaza [le 7 août par Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien] constituent un nouveau défi au droit international”, avertissent les diplomates français.
Enfin, ils soulignent l’impératif moral et politique d’accueillir en France les victimes palestiniennes les plus touchées par la guerre israélienne, de poursuivre les ressortissants français ayant commis des actes répréhensibles dans les territoires occupés, la suspension de toute fourniture de matériels de guerre à Israël, et d’interdire le territoire français à Netanyahu et aux responsables civils et militaires qui “soutiennent les exactions, prônent le nettoyage ethnique et lancent des campagnes hostiles” contre la France.
“Seule une application de ces mesures inspirées des principes mêmes du droit international, de la Charte des Nations unies, des conventions de Genève et du statut de Rome, peut redonner à la France sa voix et son rôle au Moyen-Orient et sur la scène internationale”, conclut la tribune des ambassadeurs.