Israël ne cesse de multiplier les attaques contre la France. Ce mardi, Benjamin Netanyahu a accusé Emmanuel Macron de nourrir la haine contre les Juifs en envisageant de reconnaître l’État palestinien, une accusation que l’Élysée a qualifié de “manipulation” et d’“abjecte”.
La charge très violente du Premier ministre israélien est contenue dans un courrier officiel adressé au président français.
Accusant Emmanuel Macron "d'alimenter le feu antisémite" en France en appelant à la reconnaissance internationale de l'État de Palestine, Benjamin Netanyahu l'appelle "à remplacer la faiblesse par l'action, l'apaisement par la volonté, et à le faire avant une date claire : la nouvelle année juive, le 23 septembre 2025".
L’Élysée dénonce une “manipulation”
Cette analyse "est erronée, abjecte et ne demeurera pas sans réponse", a répliqué la présidence française, précisant que le chef de l'État répondrait formellement au chef du gouvernement israélien par écrit.
"La période exige gravité et responsabilité, pas amalgames et manipulations", a ajouté la présidence française, rappelant que "la République protège et protègera toujours ses compatriotes de confession juive".
Cette nouvelle salve israélienne fait suite à plusieurs passes d’armes entre Paris et Tel Aviv.
Récemment, Paris avait réagi avec fermeté à l’assassinat du militant palestinien pacifique Odeh Hathalin, enseignant palestinien de 31 ans, père de trois enfants et militant non-violent, tué à bout portant par un colon israélien, le 28 juillet, dans le sud de la Cisjordanie occupée.
La France a dénoncé “le meurtre d’Odeh Hathalin et toutes les violences délibérées perpétrées par des colons extrémistes”, qualifiées pour la première fois d’”actes de terrorisme” par le ministère français des Affaires étrangères.
Le drame s’était produit dans le hameau palestinien de Oum El Kheir quand Odeh Hathalin s’était interposé pour tenter de stopper un bulldozer conduit par des colons qui endommageait des terres.
Connu pour son engagement pacifique, Odeh Hathalin avait collaboré à plusieurs articles pour le média israélo-palestinien +972 Magazine, et participé au tournage du documentaire No Other Land, couronné par un Oscar en 2025.

Escalade verbale
La France a également rappelé les attaques récentes contre les villages de Kafr Malik et Taybeh qui a de nouveau été pris pour cible par des colons dans la nuit du 28 juillet.
Depuis que le président français Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait l’État de Palestine en septembre prochain, la France ne cesse de s’attirer les foudres non seulement d’Israël, mais également de ses relais en France.
La décision française "récompense la terreur", avait fustigé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, après l’annonce.
"Soyons clairs : les Palestiniens ne cherchent pas à obtenir un État aux côtés d'Israël, ils cherchent un État à la place d'Israël", a-t-il martelé.
Proche allié d'Israël, les États-Unis ont "fermement" rejeté le projet français, évoquant une décision "imprudente" qui fait reculer la paix.
"C'est un camouflet pour les victimes du 7 octobre", a déclaré le secrétaire d'État américain Marco Rubio. Du côté des soutiens inconditionnels d’Israël en France, même discours.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déploré une "décision précipitée", qui accordera au Hamas "une légitimité institutionnelle et internationale inespérée".
"Reconnaître aujourd’hui un État palestinien, c’est reconnaître un État Hamas et donc un État terroriste. Il n’y a, dans ce geste, aucune fidélité à l’histoire de la France, bien au contraire, et encore moins un gage de paix pour Israël", a écrit de son côté la députée RN Marine Le Pen sur X.
Le “mouroir” et “la complicité coupable” d’Israël
Depuis la tribune des Nations unies, le 29 juillet dernier, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait déjà haussé le ton, dénonçant vivement les massacres israéliens à Gaza : “Dévastée par la guerre, Gaza est désormais un mouroir où les corps portent les stigmates de la famine et les esprits gangrénés par la terreur”.
Il a également condamné, dans des termes particulièrement forts, les violences commises par les colons israéliens en Cisjordanie occupée — une prise de position qui surprend, compte tenu de la politique de grand écart longtemps reprochée à la diplomatie française.
Pour conclure, Jean-Noël Barrot avait rappelé que le conflit israélo-palestinien ne saurait être résolu par la force et réaffirmé que la seule issue viable demeure la solution politique à deux États, seule à même de répondre aux aspirations légitimes des deux peuples à vivre en paix.
Pourquoi ce revirement ?
Cette décision, symboliquement forte, semble avant tout motivée par l’urgence de la situation à Gaza, où les bombardements israéliens font quotidiennement des centaines de victimes civiles.
Le président français avait initialement prévu de faire cette annonce en juin, lors d'une réunion à New York, mais celle-ci avait été reportée en raison de l'escalade entre Israël et l’Iran.
Si cette reconnaissance ne changera pas directement la situation des Palestiniens, en n’entraînant ni cessez-le-feu immédiat ni création d’un État, elle vise à renforcer la pression diplomatique sur Israël, notamment contre les projets d’annexion de la Cisjordanie ou d’expulsion de Palestiniens de Gaza.
Paris espérait aussi que cette reconnaissance aurait un effet d'entraînement, notamment auprès de grandes puissances.
Ce pari semble avoir fait son effet : le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont récemment annoncé qu’ils reconnaîtront l’État de Palestine en septembre prochain.
Du bon côté de l’histoire ?
La France espère aussi être du bon côté de l’histoire. Face à une situation à Gaza devenue insoutenable, Emmanuel Macron semble avoir compris que la guerre israélienne risque irrémédiablement de se retourner contre Tel Aviv, alors que Benjamin Netanyahu fait déjà face à de graves accusations de génocide.
En outre, au moment où des collectifs d’avocats portent plainte contre la France pour complicité de génocide, Emmanuel Macron cherche, par cette reconnaissance, à faire oublier son soutien passé au gouvernement israélien et à se dédouaner de la complaisance dont il a été accusé pendant les massacres à Gaza.
En ce sens, il renoue également avec une tradition diplomatique française : de la Déclaration de Venise (1979) sous Valéry Giscard d’Estaing à l'appel de François Mitterrand à la Knesset en 1982, en passant par le vote favorable à l’admission de la Palestine à l’UNESCO en 2011 sous Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron semble également vouloir s’inscrire dans cette continuité historique et redorer son blason avant la fin de son deuxième quinquennat.
En tout état de cause, entre la reconnaissance de la Palestine et la dénonciation du terrorisme en Cisjordanie occupée, la France a clairement franchi un cap, entrainant avec elle un élan de solidarité internationale en faveur des Palestiniens, d’où la colère persistante d’Israël contre Paris et l’intensification inévitable de cette confrontation.